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Le gland 'or suite et fin

  • Clin d'oeil de plume
  • 26 févr. 2017
  • 18 min de lecture

suite et fin

Les joueurs se dispersent la tête un peu plus basse qu’à l’ordinaire, sauf Pat’fol qui défie son coach du regard, ce qui fait bien sourire celui-ci. Car il en a vu Thomas de ces petits malins tout puissants au sommet d’une pseudo gloire qu’ils pensaient éternelle, combien en a-t-il ramassé en bordure de prairie trop vieux pour taper la boulette, vivant avec la nostalgie d’un passé révolu, incapable de se fixer dans le présent, et encore moins de se projeter dans un avenir. Très conscient que les grains du sablier emmènent avec eux son lot d’opportunités, de changements, et que la vie ne se déroule pas sur un mode linéaire. La seule chose qui importe à ses yeux c’est le présent, comme il souhaiterait partager cet état d'esprit avec ses joueurs.

Le jour où…

Les parents de Barry sont réveillés par un bruit familier provenant du bas de l’hêtre. Un de ces bruits dont ils s’étaient déshabitués ces derniers jours. Tara se lève et pointe son museau à l’extérieur de la niche. Ce qu’elle voit lui procure un engourdissement de la mâchoire inférieure qu’elle oublie de refermer.

Barry tape la boulette avec ferveur, et luxe suprême jongle ladite boulette des deux pattes.

  • Barry, tu es fou … tu n’es pas guéri !

  • T’inquiète m’man, je ne suis peut-être pas complètement guéri, mais je n’ai plus mal et ça c’est géant !

Barry sénior qui vient d’assister à l’échange verbal sourit intérieurement et se dit que ce Barry-là, même s’il n’en a jamais douté, est bien son fils.

  • Hé fiston je descends, tu m’acceptes comme partenaire ?

  • Chiche P’pa !

Tara secoue la tête de découragement, mais un instant plus tard en voyant le père et le fils réunis dans le jeu, savoure un moment de vrai bonheur, se dit que rien n’est plus touchant que cette connivence filiale.

Et les cris de joie que poussent ces ceux-là dans leur entrainement improvisé attirent à eux quelques spectateurs voisins qui s’en frottent les yeux de surprise.

Barry retape la boulette !

Fan inconditionnelle des Ecuroux, Cancan qui pour une fois, apprécie d’être messagère de bonnes nouvelles, s’offre un vol express chez Gunther.

Gunther et Barry

L’après-midi suivant, après sa sieste, le coach des Ecuroux se rend chez Barry.

C’est au pied de l’arbre que s’engage une conversation intense entre Gunther et son joueur.

  • Qu’est-ce que j’apprends, tu retapes la boulette ?

  • Ben oui ! enfin je me fais plaisir -et s’empresse d’ajouter- je ne ressens plus aucune douleur, c’est génial… non ?

  • Barry, si tu savais comme je suis heureux pour toi.

C’est là qu’intervient un silence qui s’éternise et devient gênant pour les deux protagonistes.

Gunther le rompt.

  • Barry…euh…comment te dire, j’ignore ou tu en es dans tes espoirs avec cette guérison, mais comme tu le sais la finale n’est plus qu’à quelques couchers de soleil, tout mon dispositif est prêt et crois-moi cela n’a pas été facile de composer sans toi, mais la réalité était là et j’ai dû composer avec elle.

  • Barry la tête basse :

  • Je comprends coach ...je comprends !

  • De plus je ne peux prendre le risque de déstabiliser toute l’équipe, et dis-toi bien qu’avec ta blessure elle l’a été !

Barry ne répond pas mais acquiesce du regard, au fond de lui c’est le genre de discours qu’il attendait. La joie de sa guérison pendant de brefs instants lui a fait oublier la logique des circonstances.

- Tu connais Lucien ? C’est le tapeur remplaçant qui va jouer à ton poste. Bien sûr il manque de maturité, et tout à fait entre nous j’ai un peu peur qu’il soit gagné par trop d’émotivité le jour J, cependant je dois admettre qu’il a montré un vrai caractère en cours d’entraînement, hier encore il me disait : je ne suis pas Barry mais je fais de mon mieux. Alors tu admettras qu’il serait difficile pour lui voire injuste...bref, tu devines la suite !

Le joueur convalescent pousse un gros soupir, ferme les yeux et imagine le sourire de Mirra, du baume sur son cœur. Devant ce nouveau silence Gunther réagit :

  • Franchement, tu n’as vraiment plus mal ?

- Non coach, je vous jure que non ! Mais comme je vous l’ai dit je comprends votre décision, il n’y a pas de problème.

- Bon écoute, il me vient une idée… c’est peut-être un peu fou mais comme disaient mes ancêtres : de l’audace peuvent naître les miracles. Pour commencer je te propose de revenir t’entrainer avec nous, mais attention, légers les entrainements, je ne voudrais pas que ta blessure se ravive, alors es-tu d’accord ?

Barry ne sait quoi dire sinon d’adresser à son coach un regard emplit de reconnaissance.

  • Alors OK, je t’attends demain à l’heure habituelle, tu n’as pas oublié ? sourire malicieux, je te parlerai plus en détail de ce que j’ai en tête !

Dans un chaleureux serrement de pattes les deux écureuils se séparent.

Barry reste immobile un long moment envahit par un étrange mélange d’émotion, de la curiosité en passant par une forme d’inquiétude auquel s’ajoute il doit bien se l’avouer une excitation naissante.

Il ressent le besoin de partager ses états d’âme, en un mot : voir Mirra.

Barry et Mirra

Tous deux réfugiés dans un buisson fleuri, domaine ordinairement privilégié des papillons mais curieusement déserté par eux, Barry fait part à Mirra des dernières nouvelles le concernant.

Certes il est heureux, certes il ne jouera probablement pas la finale, pourtant on lui demande de revenir à l’entraînement, il ne sait que penser, extrapole de multiples explications, mais toute cette gymnastique cérébrale finit par lui causer une bonne migraine.

- Tu comprends Mirra j’ignore ce que l’on attend de moi, c’est un peu perturbant et…

Elle le coupe dans son élan.

  • Le lâcher-prise, tu connais ? C’est bien de prendre sa vie en main, mais parfois se laisser guider par les évènements n'est pas mal non plus !

  • Tu sous- sous-entends que Gunther serait un guide ?

  • Pour une brève période, probablement, j’ajoute que nous le sommes tous un jour pour d’autres, parfois même sans que nous le sachions ! La vie est simple tu sais, c’est nous qui la compliquons avec nos questions, notre volonté de vouloir tout maitriser à l’avance. Faire confiance est peut-être notre plus gros défi !

Quelle sagesse cette Mirra, et quelle simplicité dans son art de vivre.

Il plonge ses yeux dans les siens pour y puiser toute la tendresse du monde. Comme il la trouve belle en cet instant, il lui prend l’irrésistible envie de l’étreindre…Ce qu’il finit par faire, l’herbe est si tendre en cette fin de printemps.

Le revenant

Comme il faut traverser une bonne partie de la forêt pour rejoindre le camp d’entraînement des Ecuroux, c’est par la voie des airs, c'est-à-dire de branches en branches, que Barry rejoint la clairière et ses copains. Il savoure à nouveau la pleine mobilité de cette patte. Il lui semble que ses mouvements sont d’une autre amplitude. Est-ce une illusion ou simplement la joie d’une liberté retrouvée ? Toujours est-il que c’est avec un grand bonheur teinté malgré tout par une sorte de fébrilité qu’il arrive à son club. Curieusement, en se rapprochant, il s’inquiète de l’immobilité et du silence des lieux. Se serait-il trompé de jour ? Il s’apprête à faire demi-tour lorsqu’il entend dans le vestiaire principal des murmures étouffés. Timidement il pousse la porte ; et là, c’est une explosion de cris, de youpi en tous genres, le tout souligné par une banderole de bienvenue accrochée au plafond.

Barry reste interdit de longues secondes devant cet accueil qui lui clou le cœur…et les pattes. On a beau se sentir aimé de ses amis, une manifestation de cette fougue peut fouetter un être d’une énergie bienfaitrice, lui redonner toute son importance.

Dans son coin Gunther assiste avec une émotion retenue aux chaleureuses retrouvailles de " toute " son équipe. Barry est assailli de questions, et celles-ci on s’en doute concernent l’état de sa patte. Après les avoir tous rassurés, il exprime à son tour la joie de les revoir tous ensemble, de ressentir l’ambiance et l’odeur des vestiaires, sans oublier la douceur du tapis vert de la prairie. Mais avant qu’il n’entre dans le vif du sujet, et surtout pour ne laisser planer aucun malentendu, d’un coup de sifflet autoritaire Gunther stoppe la petite réunion festive et demande l’attention de tous.

Assis au milieu du cercle formé par ses joueurs, il prend la parole.

- Bien ! En premier lieu sache Barry que je m’associe à la joie collective pour ton retour parmi nous. Cela dit il est inutile de te rappeler que le grand jour est dans neuf couchers de soleil. Comme je te l’ai expliqué récemment l’équipe qui disputera la finale sera exactement la même que celle qui s’entraîne depuis ta blessure, Petit murmure dans l’assistance néanmoins … et si tu l’acceptes, tu seras notre joker. Je m’explique, : vous savez tous qu’en dehors de la performance physique il est un élément avec lequel nous pouvons jouer, les sages parleraient de psychologie, moi je dirais la ruse. Alors laissons croire aux Ecublonds que nous jouerons sans notre tapeur principal. Barry, tu seras sur le banc des remplaçants et j’aviserai selon l’évolution du score. Évidemment tu reprends l’entraînement aujourd’hui, mais pour commencer je souhaite que tu le fasses individuellement !

Barry n’en demandait pas tant, cette proposition lui convient parfaitement.

  • Coach, vous pouvez compter sur moi !

  • A la bonne heure, ne perdons pas de temps la prairie vous attend, étirements de pattes pour tous le monde !

Gunther remarque que ses joueurs se donnent encore plus à fond que d’ordinaire, et se dit que le retour de Barry y est sûrement pour quelque chose. Celui-ci à l’autre bout du terrain jongle de la boulette des deux pattes. Gunther lui fait signe d’y aller doucement, très doucement et ceci pour deux raisons, : la première étant qu’il ne se re-blesse pas, la seconde est plus subtile. En effet, depuis quelques séances le coach a repéré, caché dans les branches épaisses d’un noyer, Pic-noir le corbeau espion des Ecublonds, et cela l’arrangerait si l’espion susnommé rapportait des nouvelles réjouissantes à l’ennemi et à leur commanditaire. Il décide d’en toucher quelques mots à Barry afin qu’il assimile bien le petit jeu dans le grand. Mais après l’envol de Pic-noir celui-ci reprendrait bien sûr l’entrainement collectif.

Le soleil décline doucement en cette fin d’après-midi, Barry rentre chez lui le cœur heureux de pouvoir réintégrer son équipe. Qu’il joue ou non le jour de la finale lui importe bien sûr, mais moins qu’il ne l’aurait imaginé il y a encore deux lunes. Il a découvert une chose infiniment plus importante à ses yeux : l’Amour !

Cette révélation intérieure déclenche en lui une envie subite, et Barry décide de faire un détour par la niche de Mirra.

Jour F comme finale

L’ombre de la forêt fait place aux premières lueurs du jour. Ces mêmes lueurs annonciatrices d’un soleil radieux pour cette journée particulière. Pas un nuage à l’horizon. Tant mieux se dit Rama le castor, du travail en moins, car la perspective de la pluie l’aurait obligé lui et son équipe à creuser des canalisations supplémentaires pour drainer le terrain afin d’assurer une certaine qualité de jeu. Depuis la veille un concert de mésanges laissait présager d'une météo plus que favorable. Rama s’y fiait toujours car aussi loin qu’il s’en souvienne, les mésanges ne l’avaient jamais trahi. Après s’être assuré de la solidité de toutes les installations et que la surveillance des lieux est déjà active, Rama rassemble sa troupe de castors et les remercie de leur dévouement. Ceux-ci répondent spontanément par des tapements de queux sur le sol, coutume qui consiste à applaudir leur chef, et de s’applaudir eux-mêmes, charité bien ordonnée !

De plus, tout un banc leur est réservé dans la tribune d’honneur, c’est la récompense d’usage pour les travailleurs de l’ombre.

Dans un long bâillement, Barry s'étire, ouvre les paupières, et finit par réaliser que la finale c’est aujourd’hui. Il découvre à côté de sa litière un copieux choix de noix et de petits fruits, le tout joliment disposé sur des feuilles de chêne. Tara a sorti le grand jeu pour son tapeur de fils, et le fils en question reconnaît la chance d’avoir des parents si attentionnés et débordant d’amour à son égard. Le nouveau Barry prend soudain conscience que l’ancien était un peu égoïste quand il pense à tous ces gestes d’affection qu'il a longtemps pris pour une normalité, que serait-il devenu, lui, sans tout cet environnement si généreux de compréhension, d’écoute, et de partages sans limites.

Soudain, les paroles de son grand-père dans ce rêve si étrange lui reviennent en mémoire :

" Tu verras ce que cette blessure te fera découvrir !"

Il comprend mieux le sens caché de cette phrase. Il a découvert l’Amour, la gratitude…et surtout c’est un autre lui-même qu’il a rencontré.

Alors, le cœur aussi gonflé que le jabot d’un paon lors d’une parade nuptiale, Barry se lève et avec gourmandise et reconnaissance fait honneur au petit-déjeuner maternel.

C’est lorsque le soleil sera à son zénith que va retentir le sifflet de l’arbitre pour le coup d’envoi du match tant attendu.

Dans le vestiaire des Ecuroux Gunther donne ses dernières recommandations :

  • Ne pas emballer la partie trop vite

  • Laisser s’exprimer le jeu collectif

  • Que la défense de la 3ème ligne ne se désunisse pas

  • En détachant bien ses mots, Ne cédez pas aux provocations, l’exclusion d’un joueur nous serait fatale !

A cet énoncé tous se regardent d’un air très entendu.

Et enfin à l’adresse du gardien Jacob :

- Je te demande de la con-cen-tra-tion ! Surtout ne te laisse pas distraire par quelques femelles fanatiques derrière ta cage !

L’intéressé fait oui de la tête, mais ne peut s’empêcher d’esquisser un mini sourire.

- Bien ! dit Gunther des questions

Une voix s’élève :

- Que fait-on quand on est mort de trac ?

S’en suit une hilarité générale.

  • Ah ! vous pouvez rire vous autres, ne me dites pas que vous ne le ressentez pas. Sachez que le rire est un bon palliatif, ça fait retomber la pression ! Je vais vous dire un truc, avoir le trac est une bonne chose, ce qui serait inquiétant c’est précisément que vous ne l’ayez pas, car je traduis le manque de trac par le manque d’espoir. Alors les gars, avez-vous de l’espoir ?

Un oui puissant et synchronisé résonne dans le vestiaire. Peut-être a-t-il traversé la cloison qui sépare le vestiaire des Ecuroux à celui des Ecublonds.

Gunther lève la patte :

  • J’ajoute une dernière chose, donnez tout ce que vous avez, soyez généreux dans l’effort, mais faites vous plaisir, cette notion est aussi très importante. Avant de vous laisser à l'échauffement, laissez-moi vous dire que c’est un vrai bonheur pour moi de vous entrainer !

Spontanément tous les joueurs se lèvent et applaudissent leur coach.

  • Non, non, gardez vos applaudissements avec un air malicieux nous en aurons peut-être besoin plus tard !

Avant d’entrer sur la prairie principale ou va se dérouler la finale, les joueurs des deux clubs s’échauffent sur deux carrés de prairies situés derrière les vestiaires mais séparés par une palissade en feuilles tressées. De l’autre côté de celle-ci, les Ecublonds qui visiblement pressés d’en découdre, ouvrent les hostilités par de petites phrases assassines dans le style :

  • Qui va se ramasser un tas de noisettes dans les pattes, ou encore, qui va rentrer la queue basse ?

Lucien qui a le sang chaud s’apprête à répondre aux invectives adverses, mais Barry se trouvant à proximité lui colle une patte sur le museau.

- Non Lucien, surtout ne répond pas, c’est ce qu’ils cherchent pour nous déstabiliser. Il n’empêche qu’utiliser ce genre d’argument ça prouve qu’ils ne sont pas si sereins que ça ? Qu’en penses-tu ?

- T’as raison, quelle coquille de noix je fais !

- Pas de souci mon vieux, c’est l’expérience qui entre !

Gunther qui vient d’assister à la scène adresse un sourire reconnaissant à Barry.

L’avant match

Pendant ce temps les gradins se garnissent de spectateurs dont certains sont tout aussi excités que les joueurs. Pour les dirigeants de chaque club c’est une totale ébullition, les deux présidents se serrent la patte en se souhaitant un " bonne chance "d’usage, mais en ayant à l’esprit la même pensée : Vous allez voir ce qu’on va vous mettre. Les parents de tous les acteurs du jeu prennent place dans la tribune d’honneur. Ceux de Barry aperçoivent Mirra et l’invitent à venir près d’eux, ce qu’elle accepte de bonne grâce. Ils se trouveront ainsi face au banc des joueurs.

Tous les arbres qui bordent la prairie grouillent d’oiseaux de toutes sortes, des colonies entières groupées par famille ont pris d’assaut les banches les plus hautes. Les mésanges ont choisi les peupliers, les merles (gros picoreurs pendant les spectacles) assiègent les cerisiers sauvages, les corbeaux restent fidèles aux noyers, et enfin, en bons travailleurs ailés, une nichée de pics-verts pourra titiller à cœur joie les troncs des bouleaux qu’ils occupent.

Au raz des pâquerettes, des nichées de lapins, de fouines et de renards s’agitent dans une bonne humeur collective. Car il existe une coutume unanimement respectée pendant la finale du Gland’Or qui consiste à ce que personne ne dévore personne. D’où parfois certains trémoussements de queux provocateurs de lapins adolescents sous les museaux agacés de renards qui pourtant restent stoïques, mais avec le souvenir bien présent que la finale ne dure que le temps d’un sablier...la trêve aussi !

Soudain, le son grave d’une corne retentit pour annoncer l’arrivée imminente des joueurs sur la prairie. Un silence presque religieux s’instaure.

Barry, le cœur battant, se dit que les cœurs qui le précèdent ne sont pas forcément plus calmes. A quelques grains de sabliers de leur entrée, répartis sur deux files indiennes, les joueurs de chaque clan se jaugent du regard, on se toise, on s’impressionne, du moins on essaie. Quelques- uns sautillent déjà pour bien montrer à l’adversaire leur détermination, mais qui en même temps en profitent pour se décrisper.

En tête du cortège, accompagné par deux adjoints, l’arbitre principal lève la patte pour signifier au deux équipes d’entrer sur la prairie :

C’est toute une clameur qui s’élève autour de l’aire de jeu, ponctuée par des Allez les blonds, Allez les roux. Après une présentation de tous les acteurs au public, les joueurs prennent leur place sur le terrain, Barry comme convenu va s’asseoir sur le banc des remplaçants, ce qui dans un premier temps soulage les Ecublonds, mais Thomas l’entraineur sait très bien par définition qu’un remplaçant… c’est fait pour remplacer, mais à quel moment ?

Un coup de sifflet de l’arbitre et d’emblée avec une assurance qui frise presque l’insolence, les Ecublonds attaquent à outrance, déjà Pat’fol se met en évidence avec des dribbles spectaculaires, quelques grains se sont à peine écoulés qu’un passeur lui refile la boulette qui atterrit sur sa patte droite, le réflexe du tapeur qui dans une fraction de grain repère le gardien trop avancé devant sa cage, tire en hauteur, lobe le gardien, et la boulette finit sa course dans le filet

Score : 1 à 0

C’est la douche froide pour les Ecuroux, un silence de mort envahi une bonne moitié des supporters, seulement une moitié, l’autre bien entendu exulte. Depuis son banc Gunther exhorte son équipe à ne pas se désunir et rester confiant.

Encouragés par le positivisme de leur coach, les Ecuroux se font plus précis dans leurs passes et comme le redouté Pat’fol est malgré tout prévisible, ils finissent par s’adapter au rythme imposé par l’adversaire. A tel point que Lucien, son moment de trac évaporé, s’enhardit à son tour. Il multiplie les passes en avant, puis en arrière pour brouiller le jeu, capte la boulette de volée et tire violemment ! La boulette a touché le montant de la cage. Un grand Aaahhh décroissant résonnent chez leurs supporters...suivi d’un ouf plus discret chez les autres. Ils viennent d’avoir chaud.

Un coup de sifflet stoppe l’élan des Ecuroux signifiant la pause, mais aussi la réalité du score, ils sont menés 1 à 0.

Dans le vestiaire les joueurs s’abreuvent en conséquence, se détendent ou se font masser. Gunther les laisse se relaxer quelques instants, puis se place comme habitude au milieu d’eux. En silence, il les regarde un par un.

  • Etes-vous conscients de la qualité de jeu que vous venez de démontrer ?

Propos qui déconcertent quelque peu, ignorant si cette question engendre davantage une réponse plus négative que positive, prudents, les joueurs observent un mutisme total. A ce moment là et comme le ferait un sorcier sioux autour d’un totem, Gunther fait un tour entier sur lui-même et s’exclame.

  • Vous avez été généreux, vous avez compris comment les empêcher de jouer, alors les gars continuez sur cette lancée. Quant à toi Jacob, je te rappelle qu’un gardien ne peut arrêter toutes les boulettes !

Jacob réagit malgré tout.

  • J’étais mal placé coach !

  • Eh bien tu le seras mieux dorénavant, tu as compris ton erreur, n’est-ce pas les gars ?

Un cri d’encouragement solidaire ponctue la discussion. Ce cri perçu par des Ecublonds un peu décontenancés par ces adversaires pourtant menés au score mais très vivants dans leur attitude.

Avant de reprendre place sur la prairie Gunther s’adresse à Barry :

  • Je veux que tu t’échauffes dès la reprise du match, je ne peux te dire encore à quel moment je te ferai entrer, cela ne dépend pas entièrement de moi.

Barry ne demande pas d’explication, l’important pour lui étant de participer à cette finale.

  • Tu sais, renchérit Gunther j’ai envie que quelque chose se produise, je prie pour ce quelque chose…je l’espère !

Au cours de ces deux dernières lunes le tapeur-capitaine qui a appris à ne pas toujours chercher à comprendre acquiesce de la tête.

En ordre dispersé cette fois, les joueurs regagnent la prairie pour la reprise du match.

En s’asseyant sur son banc Barry cherche Mirra des yeux, il l’a repère assise à côté de sa mère, la vision de ses deux femelles préférées lui procure une bouffée de chaleur indicible. Il leur adresse un petit signe de la patte, et celles-ci répliquent spontanément en. symbiose. Barry sénior préfère esquisser un geste de guerrier avant la victoire, bien qu’il ait gardé une âme de sportif, il comprend la décision de l’entraîneur, mais il donnerait volontiers sa réserve de noix pour voir son rejeton présent sur ce merveilleux carré vert.

Sifflet de l’arbitre.

Les Ecuroux entament cette deuxième partie de match dans le même état esprit qu’ils ont terminé la première. Ils se font menaçants et leur système de jeu neutralise parfaitement celui des Ecublonds, ce qui commence par les agacer surtout Pat’fol dont l’espace de jeu est de plus en plus réduit. Lucien quant à lui prend une assurance inouïe, on lui a dit de prendre du plaisir, il s’en souvient et le met en pratique. Il distribue la boulette avec beaucoup d’aisance. Par deux fois il s’en est fallu de peu qu’il marque, mais que cela ne tienne l’équipe est soudée et les joueurs réalistes.

Pendant ce temps Barry a commencé son échauffement et trottine le long du terrain en jetant un œil sur le cours du match. Les supporters des Ecublonds commencent à entonner des chants de victoire, il faut dire qu’il ne reste plus qu’un quart de sablier de temps de jeu...et justement à cet instant là ! Lucien, d’une reprise de volée propulse la boulette dans la cage adverse. L’exaltation change de camp, les chants de victoire aussi !

Tous les Ecuroux félicitent leur tapeur, Barry, par de grands gestes, s’associe de tout cœur à leur joie. Gunther a envie de hurler de bonheur, mais un coach doit le rester jusqu’au bout, le match n’est pas fini, ils ne sont qu’à égalité. Alors il rappelle la prudence, surtout de ne pas céder une griffe de concentration.

Puis il s’approche de Barry :

  • Mon vieux, ce que j’espérais s’est produit. Lucien a marqué, avec tout le mal qu’il s’est donné pour te remplacer, il a non seulement marqué, mais il a gagné en confiance ! Bon ça, très bon pour son avenir !

Du coup Barry comprend mieux.

- Alors Barry prêt pour un retour officiel ?

Le large sourire qui se dessine sur la gueule de son capitaine lui offre la réponse qu’il attendait.

Comme précisément la boulette vient de franchir les limites du terrain, Gunther en profite pour rappeler Lucien qui sort sous les vivats de la foule. Puis Barry fait son entrée dans le jeu, c’est une bronca générale, ce qui fait penser à l’intéressé qu’il va falloir se montrer à la hauteur de l’accueil.

Sur la prairie, d’emblée, il retrouve ses automatismes.

Ses coéquipiers galvanisés par ces retrouvailles lui multiplient les passes. En très peu de grains, à deux reprises, il effectue deux tirs bien cadrés. Hélas le gardien des Ecublonds échaudé par les attaques répétées de l’adversaire est très concentré.

Peu importe, Barry adresse un clin d’œil à ses partenaires, ce qui signifie la mise en place d’une tactique différente convenue d’avance avec Gunther. Puisque les Ecublonds sont repliés en défense, les Ecuroux vont en faire autant. Les joueurs se font des passes en retrait pour étirer la défense adverse, en prenant le risque malgré tout de prendre un but contre le cours du jeu. Et c’est justement ce qui manque de se produire. Pat’fol avec sa vitesse légendaire intercepte la boulette et d’un tir violent la propulse vers le but, seulement Jacob galvanisé par ses supportrices « dorsales » d’un coup de queue autoritaire expédie la boulette hors prairie. Coup de chaud ! L’incident ne coupe pas les pattes des Ecuroux au contraire, Barry veut y voir un signe, il jette un œil sur le sablier, plus de temps avant une éventuelle prolongation. Etant conscient de son manque de compétition il serait judicieux de marquer avant la fin du temps réglementaire.

Alors toute l’équipe, dans un collectif qui force l’admiration, se remet à construire, en avant, en arrière, de longues passes amorties par des pattes talentueuses. Gunther sur son banc masque du mieux qu’il peut un gros stress, mais quelque chose au fond de lui qu’il ne saurait vraiment définir lui intime de rester confiant... et précisément à ce moment là ! Barry à son tour intercepte la boulette, la glisse à un partenaire qui feint de tirer mais qui la repasse à son capitaine, celui-ci de sa patte gauche, et d’un tir violent, envoie la boulette dans le coin droit de la cage sous les yeux incrédules du gardien. Les Ecublonds sont consternés, les Ecuroux exultent.

Barry ne réalise pas vraiment qu’ils sont tout proches du titre, non, il réalise que c’est sa patte gauche qui vient de marquer. Tous les joueurs viennent le féliciter, il apprécie mais rappelle à tous que le match n’est pas encore fini.

Sur son banc, Gunther retient le cri de victoire qui lui étouffe la gorge.

Dans les tribunes, trois écureuils chers au cœur de Barry, roussis par l'émotion, sont presque au comble du bonheur.

Qu’ils sont interminables ces derniers grains à venir rejoindre le tas de sable pas tout à fait complet. Les Ecublonds blessés dans leur fierté se montrent toujours dangereux avec par instants quelques gestes douteux envers leurs adversaires, Lucien, depuis son banc se permet :

- Ne répondez pas à la provocation !

Gunther est heureux de voir que certains éléments apprennent très vite.

Enfin ! La corne de la délivrance se fait entendre, immédiatement couverte par les cris des supporters concernés. Gunther rejoint ses joueurs qui le portent en triomphe. Barry étreint ses copains et félicite chaleureusement Lucien qui a ouvert une brèche dans la défense...et la confiance des Ecublonds.

En quelques instants, sur la prairie est dressé par Rama et ses acolytes, un podium pour la remise du prestigieux trophée. Barry court en direction de la tribune et de sa patte dessine un geste affectueux à sa mère, un autre plus mâle à son père, puis se place devant Mirra, le cœur palpitant tout près de l’explosion, lui adresse un regard où il met toute l’expression de sa reconnaissance et de son amour. Est-il possible de se sentir aussi heureux se dit-il.

Puis il lève les yeux vers ce ciel immaculé, il remarque un seul petit nuage moutonneux qui semble avoir la forme d’un sourire.

 
 
 

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